Archive for the ‘LES FILMS D'AUTEUR’ Category

“Un prophète” de Jacques Audiard. 2009.

28/02/2010

Malik a pris six ans, comme il est majeur son avocat lui signifie qu’il sera transféré à la centrale (maison d’arrêt réservée aux détenus qui purgent une longue peine). Malmené dès son arrivée à la prison, le groupe des corses lui met le grappin dessus à la première promenade. Le boss Cesare Luciani lui annonce sa mission: approcher un détenu, l’égorger dans sa cellule et faire croire à un suicide. Malik, comprenant qu’il n’a pas le choix, tente alors de se faire enfermer le quartier d’isolement. Malheureusement pour lui, les matons, vendus aux corses, lui font rapidement passer l’envie. Malik exécutera donc son contrat avec une lame de rasoir dissimulée dans la mâchoire.

Sans proche qui ne vienne lui rendre visite, Malik va bientôt trouver une sorte de famille dans le milieu pénitentiaire. Il va bénéficier tout comme ses aînés des petits privilèges qu’accorde la protection de Luciani. N’ayant pas vraiment d’autre alternative, Malik va s’adapter au milieu dans lequel il est plongé et apprendre très vite comment progresser au sein de la pègre. Profitant de ses sorties hebdomadaires, il monte son propre business dehors. Ses combines entrent rapidement en conflit avec les intérêts du boss.

Film dit d’apprentissage, “le prophète” trace le portrait d’un jeune délinquant que la détention va transformer en criminel aguerri. Mais que l’on ne s’y trompe pas, ce film n’est pas un film de gangsters ordinaire, il est bien plutôt le récit d’une destinée particulière qui évolue sous nos yeux du début jusqu’à la fin de son enfermement.

Jacques Audiard signe là un film d’une puissance inégalée où une mécanique infaillible est à l’œuvre. Une histoire où la brutalité et la malléabilité exprimées respectivement par Niels Arestrup et Tahar Rahim se complètent à merveille. Deux performances justement récompensées par le César du meilleur second rôle et celui du meilleur acteur.

Pas besoin toutefois de faire dire au film ce qu’il n’évoque pas. En effet la dimension politique de la réinsertion en fin de peine y est totalement absente, du moins l’objectif du réalisateur ne nous questionne pas là-dessus. Pas nécessaire non plus de reprocher au film son manque de réalité, le public sait parfaitement que la situation pénitentiaire française n’est pas celle des Etats-Unis. Ce qui importe c’est que le film soit crédible et de fait “un prophète” est plus vrai que vrai.

Hiroshima mon amour, d’Alain Resnais

30/01/2010

Nous sommes en 1959. Hiroshima est devenue une ville de paix, une ville cultivant le souvenir de la catastrophe qui porte son nom. C’est dans ce contexte qu’une actrice française se rend sur place: pour tourner un film sur la paix. Au petit matin nous la retrouvons enlacée dans les bras d’un architecte japonais rencontré à l’hôtel “New Hiroshima”.

Censé être une relation sans lendemain, cet amour va finalement réveiller en elle le souvenir douloureux d’un amour interdit. Un amour de jeunesse pour un soldat allemand qui lui a couté cher. Dans son village natal de Neuverre, cette amourette considérée comme une traîtrise en temps de guerre ne lui a pas été pardonnée. Les mauvais traitements subis 17 ans plutôt ressurgissent soudain à l’occasion de cette nouvelle passion amoureuse dans laquelle elle ne peut s’engager.

Notre héroïne au regard absent est hantée par ces souvenirs pénibles qui finissent par s’emparer d’elle. Les séquelles psychologiques provoquées par son enfermement l’empêchent de s’abandonner à cet amour naissant. Ne pouvant se raccrocher à rien de réel, elle ne cesse de revivre en pensées ce premier amour brisé par la guerre.

Le temps de la narration, donnée ici par la voix off détachée de l’actrice, se répète dans le film. Une répétition tragique des événements que à laquelle l’histoire n’échappe malheureusement pas.

La  bombe atomique, sans être le sujet du film, plane au-dessus de celui-ci. Un thème d’autant mieux abordé qu’il en est presque absent. Une histoire d’amour impossible comme base d’un film sur Hiroshima, c’est là quelque chose de suffisamment paradoxal que pour traiter au mieux cette catastrophe difficilement abordable.

“Pierrot le fou”, un film de Jean-Luc Godard. Sortie: 1965.

24/01/2010


Ferdinand est las de la petite vie d’installé qu’il mène à Paris. Ceux qui l’entourent ne se préoccupent que de leur confort matériel. Et çà, ça l’insupporte. Seuls les livres et la poésie en particulier comptent à ses yeux. Un soir en rentrant chez lui, il revoit par hasard Marianne, un flirt de jeunesse, qui est venue garder ses enfants. Alors il plaque tout et passe la nuit avec elle dans son appartement. Le lendemain matin Fernand tombe sur un cadavre. Elle lui explique qu’elle est poursuivie par des gangsters pour une histoire de trafic d’armes à laquelle elle a été involontairement mêlée. Ils partent alors direction sud et brûlent la voiture au bord d’un chemin. C’est le début d’une longue escapade vers le soleil du midi, où leur passion les portera. Mais bientôt, leurs ivresses de liberté respectives auront raison de leur amour fou.

Jean-Luc Godard s’inspire ici d’un roman de Lionel white qu’il transpose à l’écran et auquel il appose son style saccadé et dont il dévoile toute la poésie. Les ellipses, qui ponctuent le récit du début à la fin, donnent à la narration une impression de vitesse vertigineuse. Toutes les ruptures présentes dans ce film, comme les nombreux décalages chronologiques ou encore le fait pour les acteurs de s’adresser directement à la caméra,  sont autant de transgressions vis-à-vis du “cinéma de papa”. Un film dans son temps au ton volontiers libertaire qui vaudra d’ailleurs au film d’être censuré. Un héro fougueux et une femme libre; nous avons là des personnages qui préfigurent le mouvement étudiant de 1968.